ARTICLE DU 16/04/2002 |
Océan Indien
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1936/1975 (Première partie)
La scène, à laquelle un haut gradé de la Royale a assisté, rappelle celle qui fit basculer le destin de la France et de l’Algérie*. Fraîchement nommé ministre des Affaires étrangères du gouvernement militaire dirigé par le général Ramanantsoa, Didier Ratsiraka rencontre, en 1972 à Paris, le ministre gaulliste Billecoq.
L’entrevue est orageuse : “Nous ne voulons plus de vos accords colonialistes !”, assène le fougueux capitaine de frégate, ancien de Navale. “Quoi, vous me traitez de colonialiste ?”, explose le ministre de la Coopération. Les deux hommes en viendront aux mains avant d’être séparés par l’amiral Lafaye, ancien professeur du Malgache et très lié avec le 2e Bureau. C’est le même Ratsiraka qui, toujours provocateur mais plus diplomate, viendra proclamer son amour de la langue française, en février 1986, lors du 1er sommet de la Francophonie à Versailles. L’anecdote est racontée par Alain Decaux, maître de cérémonie. “Madagascar ne tombera dans aucun piège, que celui-ci fût néo-colonialiste ou néo-capitaliste !”, a attaqué le président malgache. L’assistance demeura muette, figée, glacée (...) Il se tut un instant puis reprit : “Dans ce cas, messieurs, vous vous demandez peut-être pourquoi je suis ici.” (...) Un silence, encore. Et cette explication qui éclata en fanfare dans le palais de Louis XIV : “Je suis ici pour l’amour de la langue française.” La relation entre la France et Didier Ratsiraka tient presque tout entière entre ces deux anecdotes. Une relation d’amour/haine intense que les soubresauts de l’Histoire des deux pays ont souvent attisé. Chaque tournant de sa vie en atteste. “LES ARMES SONT LES PLUS FORTES” Né en 1936 à Vatomandry, dans la région de Tamatave, le futur “Amiral rouge” garde encore aujourd’hui pieusement à l’esprit une image de son enfance : celle d’un père petit fonctionnaire de l’administration coloniale, pauvre mais courageux. Source de fierté pour ses deux fils et leur mère Marceline, Albert - qui a séjourné en métropole - lit et écrit le français. Didier, très jeune, étudie avec son frère aîné, Étienne. La famille Ratsiraka habite à Moramanga. On est en 1947. L’insurrection s’est déclarée le 29 mars, la répression des tirailleurs “sénégalais” - en fait des Africains de plusieurs pays réunis dans ce corps d’armée - est aveugle au point d’incendier la maison du fidèle serviteur de la colonie. Didier assiste à l’incendie, se contenant pour ne pas pleurer et ajouter au chagrin de sa mère. Sur le chemin de l’exode, les Ratsiraka rencontrent une autre troupe de tirailleurs. Albert croit pouvoir s’expliquer, mais les soldats le séparent brutalement de sa famille et le mettent en joue. Un détachement - des “gardes indigènes malgaches” - arrivent opportunément : “Si vous voulez les fusiller, fusillez-nous d’abord”, lance leur chef. Les tirailleurs hésitent puis abandonnent. Selon Ratsiraka, c’est de cet épisode que date sa vocation d’officier, “parce que les armes sont les plus fortes”. Les Ratsiraka habiteront quelque temps dans le bureau du père, à Moramanga, avant de partir rapidement pour Ambatondrazaka. Selon plusieurs sources - difficilement vérifiables sans enquête sur le terrain -, c’est dans cette localité des hauts plateaux qu’Albert Ratsiraka aurait collaboré à la répression de l’insurrection aux côtés des Français. Il y aurait gagné un surnom : le Boucher de Moramanga. Un témoignage datant des années 70, précise que Didier Ratsiraka aurait un jour déclaré : “Ma vie n’aura de sens que si j’arrive à éliminer les Merina. En 1947, mon père a eu le tort d’en découdre d’une manière trop directe.” Le calme revenu, en 1949, la famille rejoint Tamatave. Didier a 13 ans et rentre chez les jésuites de Saint-Joseph. Il aime le football, s’y débrouille plutôt bien, mais obtient aussi, dès l’année suivante, son premier prix d’excellence. Ce qui n’ira pas sans commentaires de quelques Français : “Quoi, ce Gache prix d’excellence ?” Ainsi vivait la colonie... En 1951, le petit Ratsiraka “monte” Tananarive pour y subir une autre humiliation. Ses résultats brillants méritaient de lui ouvrir les portes du prestigieux lycée Gallieni, mais ce dernier est réservé aux Français; il ira donc à Saint-Michel, “mixte”. Il n’y achèvera pas sa scolarité : en accord avec son père, il décide de tenter la grande aventure au-delà des mers. Dans son cœur règne toujours un double sentiment : la fascination pour la France et le ressentiment envers ces Français qui l’ont humilié et qu’il a envie de défier sur le terrain du savoir. LE MENSONGE SUD-AFRICAIN Février 1955, débarquement à Marseille, direction l’Ile-de-France. Son bac obtenu brillamment au lycée Montgeron (Essonne), Didier Ratsiraka est prêt, à 19 ans, pour la conquête de la capitale. Ce sera Henri-IV, l’un des plus prestigieux établissements de France, où il enchaîne maths élem, maths sup et maths spé. Dans le milieu estudiantin, le matheux prend goût à la dialectique marxiste et adhère à l’Union des étudiants de France, proche du PCF. En 1958, De Gaulle promet son indépendance à la Grande Ile lors d’un voyage dans l’océan Indien. En 1959, Tsiranana est élu président. Ratsiraka admire ce “petit Côtier” d’extraction modeste (c’est un ancien gardien de zébus) qui a su se hisser à la tête de l’État. Cette admiration ne durera guère... En 1960, l’année où Madagascar devient indépendante, le petit garçon humilié du lycée Saint-Michel intègre Navale. En même temps que son compatriote Guy Sibon, qui deviendra son fidèle compagnon de route avant de devenir très populaire et de mourir dans un mystérieux accident d’avion. Après deux ans d’études, Ratsiraka embarque à bord de la “Jeanne-d’Arc” qui quitte Brest pour un tour du monde : Panama, Hong Kong, Pearl Harbour. Par des bruits de couloir, il apprend qu’il serait sorti Major de l’école, mais déclassé parce que Malgache. Humiliation, encore. Il est le seul Noir à bord... Ici prend place la légende de l’“Amiral”, du moins celle que Ratsiraka a propagée (1). Quelques années plus tard, devenu président, il laissera entendre à Paris qu’à l’occasion de l’escale du Cap, il aurait souffert du racisme en vigueur sous l’apartheid. Sous-entendu : la France a laissé humilier un de ses officiers... Georges Pompidou fera discrètement vérifier l’information. Réponse de l’amiral Lanxade : “Cet homme ment. La Jeanne n’a jamais fait escale en Afrique du Sud lors de ce tour du monde.” Ratsiraka mythomane... 1963. L’enseigne de vaisseau de 1ère classe est de retour sur la terre des ancêtres. Mais il est en désaccord avec la politique de son pays. Trop française, trop sioniste, trop proche aussi de l’Afrique du Sud. Dans sa tête s’agitent des rêves de Madagascar vivant “libre et debout”. En décembre, il épouse Céline Velonjara et lui donne rapidement un enfant. Le début des années 60 coïncide avec les grandes heures de la Royale à Diégo. Ratsiraka rejoint son bâtiment, le “Malaïka”. Selon d’anciens officiers de marine, être sous les ordres d’un Français lui répugnant profondément, il intrigua pour prendre le commandement du “Tanamasoandro”, bâtiment qu’il perdit à la suite de fausses manœuvres. Sur les conseils du colonel français Bocchino - conseiller du président Tsiranana - et d’officiers de l’Amirauté, il fut alors “sanctionné” par un exil parisien en tant qu’attaché militaire avec passage possible par l’École de guerre. En sortant du bureau du général Ramanantsoa - alors chef d’état-major et futur chef de l’État - qui lui avait signifié cette “punition”, Ratsiraka aurait confié à des officiers français : “Vous voyez, un Merina me sanctionne parce que je suis Côtier. Tsiranana n’a pas osé affronter Ramanantsoa, c’est un traître à la cause des Côtiers.” Il repart pour Paris. “QU’EST-CE QUE C’EST QUE LE PEUPLE ?” C’est à cette époque qu’une rumeur dérangeante commence à circuler dans les deux capitales : Ratsiraka est fou. En 1971, M. Ali, consul de Madagascar, rapportait à ses visiteurs que tous les matins, l’attaché militaire faisait les cent pas durant vingt minutes devant la glace qui ornait l’une des portes de la salle des pas perdus de l’ambassade parisienne. Interrogé sur ce comportement, le militaire expliquait qu’il devait améliorer son maintien car il allait devenir président de la République. Le consul se moqua alors de lui en rétorquant que le peuple ne supporterait pas longtemps un président “méchant, jaloux et menteur”. Toujours selon le consul, Ratsiraka se serait alors exclamé : “Le peuple, qu’est-ce que c’est que le peuple ? S’il n’est pas d’accord, on le tue !” Aujourd’hui, le déséquilibre mental dont souffre depuis longtemps l’“Amiral” est de notoriété publique, en France comme à Madagascar. Certaines photos le prouvent de manière flagrante. Il ajoute la paranoïa, la mythomanie et la mégalomanie à la schizophrénie. D’autres membres de sa famille ne sont pas exempts de cette propension à la folie (son jeune frère Jean-Baptiste est mort fou en 1989). Aujourd’hui, Ratsiraka est régulièrement suivi par une sommité française qui fait plusieurs fois par an le voyage entre Paris et la Grande Ile. Cette folie de plus en plus avérée n’entrave pas ses ambitions de carrière : en 1972, il est nommé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement militaire Ramanantsoa, qui a fait chuter Tsiranana, le père de l’Indépendance. Auprès des autorités françaises, l’épisode Billecoq vient alors à point nommé pour accréditer la rumeur de déséquilibre mental. Le jeune ministre a dilapidé auprès des Français une bonne partie du capital de confiance et de sympathie que lui auraient assuré son passé et ses relations militaires. Une bonne partie, mais pas tout... La suite de sa carrière le prouvera. Toujours est-il qu’en 1972, le Quai d’Orsay demande sa tête à Ramanantsoa, qui refuse. La rumeur veut qu’à cette époque, les services secrets français auraient même tenté de le compromettre dans une affaire de mœurs. L’animosité envers les Français - celle de Ratsiraka mais aussi celle de toutes les élites politiques et militaires - est alors à son comble dans la Grande Ile, qui va dériver nettement vers l’Est. Tout un peuple va sombrer - et pour longtemps - avec l’“Amiral” et ses coups de folie. En juin 1972, Madagascar reconnaît la Chine populaire; en 1973, la réforme du Code des investissements qui prévoit à terme la prédominance du secteur public inquiète beaucoup les investisseurs, essentiellement français. La fuite des capitaux bat son plein, le gouvernement rétablit le contrôle des changes. Madagascar quitte la zone franc et de nouveaux accords de coopération sont signés avec la France, beaucoup moins favorables que les précédents pour cette dernière. Mais ils existent : la France officielle n’a jamais été mise à la porte de Madagascar. Les Français (et les Réunionnais), en revanche... Des mesures nettement marxistes, pour l’essentiel largement impulsées par Didier Ratsiraka, sont alors appliquées. Mais elles ne suffisent pas aux extrémistes : ils jugent le gouvernement “bourgeois”. Le pays est en pleine déliquescence, la grande majorité des capitaux étrangers a fui, les seuls Vazaha qui osent rester sont ceux qui ont investi autre chose que de l’argent à Madagascar : leur vie entière et celle de leurs familles. “La guerre civile menaçait”, dira plus tard Ratsiraka. Février 1975, le général Ramanantsoa cède le pouvoir au colonel Ratsimandrava. Ratsiraka refuse de participer à ce gouvernement. Cinq jours plus tard, le colonel-président est assassiné en pleine rue à Tananarive. Les hypothèses concernant ce crime sont nombreuses : la colère des hauts fonctionnaires et de hautes personnalités, dont Ratsimandrava avait dénoncé la corruption dans l’affaire de la Compagnie marseillaise de Madagascar, l’un des trois “caïmans” qui avaient mis le pays en coupe réglée ? Celle des milieux d’affaires, justement ? Le fait que le nouveau chef de l’État était “merina mainty” (c’est-à-dire de basse caste), ce qui ne plaisait pas aux hautes castes merina ? Et pourquoi ne pas répéter ici l’une des phrases préférées de Ratsiraka : “A qui profite le crime ?” Toujours est-il qu’après quatre mois de Directoire militaire, ce dernier porte le ministre des Affaires étrangères à la tête de l’État (12 avril 1975). Le 15 juin naît la République démocratique de Madagascar. La vengeance du petit Didier envers la France et les Français va commencer. Du moins ceux qu’il hait, c’est-à-dire l’État, les affairistes et les “colons”, car les militaires, malgré l’éviction de leurs bases militaires de Diégo-Suarez et d’Ivato (Tananarive), sauront toujours garder une petite porte ouverte au palais présidentiel. (à suivre...) 1896/2002 :LA VISION DE LA FRANCE N'A PAS CHANGÉ La vision de la France sur Madagascar n’a quasiment pas évolué depuis Gallieni : il y a d’un côté les Merina des hauts plateaux, fourbes et arrogants qu’il faut mater et rabaisser, et de l’autre les Côtiers, exploités et humiliés qu’il faut défendre et promouvoir. Ce manichéisme n’est pas innocent : il a été forgé à dessein pour servir la colonie dans le passé, des intérêts stratégiques, politiques et financiers aujourd’hui. Trois extraits en préambule : - “Je m’appuie pour diriger sur la politique des races.” (Général Gallieni, Madagascar, 1896) (1) - “Ainsi donc, dès 1896, s’établit à Madagascar un antagonisme entre les Hova nobles des plateaux d’une part et, d’autre part, leurs esclaves et les populations côtières. Pour les Hova, l’occupation française fut une dépossession - ils disent même aujourd’hui une spoliation; pour les populations côtières, ce fut une libération (...). Les Hova sont d’origine malayo-polynésienne, leur tempérament est asiatique, leur nature très fermée, leurs intentions toujours secrètes. Ils ont le goût de l’intrigue, du complot, de la conjuration, des groupements occultes, des sociétés secrètes. Toutes leurs belles facultés d’intelligence (...), ils veulent les mettre au service de leur rancune contre nous. En apparence, ils se résignent à l’occupation étrangère, mais leurs sentiments haineux ne désarment pas.” (Marcel de Coppet, Haut commissaire français à Madagascar, 1947) - “Comment expliquer cette attitude d’un pays à destination duquel nous consentons un effort de coopération aussi substantiel ? Il faut savoir que la France, si elle dispose d’un capital de confiance et d’amitié incontestables, suscite aussi des sentiments de rejet chez toute une frange de la population : la bourgeoisie merina, qui a eu le sentiment d’avoir été dépossédée de ses pouvoirs par le colonisateur au profit des populations côtières, tient souvent un discours anti-français qui est relayé dans la presse nationale.” (Charles-Gérard Marcus, député français, 1994) (2) Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vision de la France depuis la conquête de la Grande Ile n’a guère évolué en plus d’un siècle ! Il y aurait donc d’un côté les Merina autrefois dominateurs et toujours assoiffés de puissance, de l’autre les Côtiers exploités qu’il a fallu et faut toujours absolument protéger. Cette vision simpliste - qui est toujours d’actualité en 2002 dans les cercles du pouvoir et de la diplomatie français - est proprement affligeante. Didier Ratsiraka ne l’ignore pas et en joue grossièrement. La réalité est beaucoup plus complexe. Sans entrer dans le détail - il y faudrait une grande bibliothèque -, on peut toutefois tenter éclaircir certains points. - Existe-t-il aujourd’hui un antagonisme entre Merina et Côtiers ? - Si l’on entend par là “tous les Merina” contre “tous les Côtiers”, la réponse est non. En revanche, beaucoup des deux côtés ne s’aiment guère et se critiquent souvent. Cette animosité remonte aux débuts de la royauté merina, lorsque le souverain Andrianampoinemerina décida d’unifier l’île par la force. Il échoua, mais les peuples (vaincus ou non) n’oublièrent pas cette volonté hégémonique. La politique de la France coloniale fut d’attiser ce ressentiment, selon le dogme alors en cours dans les possessions africaines : diviser pour mieux régner (1). Plus de quarante ans après l’indépendance, difficile de nier que des effets néfastes demeurent. Certains - dont des hommes politiques de premier plan et des universitaires réputés - ont adopté sur cette question des positions extrémistes. Chez les Merina, il existe des adeptes d’une théorie raciale proche de l’apartheid sud-africain, dont la prose confine au nazisme : “Si vous avez honte d’assumer votre négritude, ayez au moins la correction de ne pas essayer de nous l’imposer sournoisement. Rabattez-vous plutôt sur les produits cosmétiques ou finissez-en en vous jetant sous un train !” (3) De l’autre bord, certains se distinguent aussi. “Tsiranana sDe l’autre bord, certains se distinguent aussi. “Tsiranana serait resté au pouvoir en 1972 s’il en avait tué 1 000 ou 2 000. Il était trop faible, c’était un complice des Merina. Moi, s’il le faut, j’en tuerai plus... Tuez m’en au minimum 10 000 ou 20 000.” (4) - Qu’est-ce qu’un Merina, qu’est-ce qu’un Côtier ? - Les Merina ne sont pas un groupe homogène. Il y a les Merina fotsy (“blanc”), les Merina “mainty” (“noir”) et les Andevo. Au temps de la royauté, les premiers représentaient la caste noble, les deuxièmes la roture libre et les troisièmes les “esclaves” (le terme est trop fort car s’ils étaient vendables et corvéables, ils n’étaient en général pas maltraités). Ces différences ont-elles disparu dans les faits et dans les esprits ? On ne peut l’affirmer. Les mariages mixtes ne sont pas légion... Même si les mentalités évoluent et que la situation économique - qui fait que quelqu’un qui n’a rien préfère être au service d’une famille qui n’a pas grand-chose contre l’assurance d’un toit et de nourriture - ne doit pas être oubliée. Lorsque les Côtiers parlent des “Ambaniandro”, ils englobent les Merina et les Betsileo, autre population des hauts plateaux (région de Fianarantsoa). On peut certes parler d’ethnies “cousines”, mais elles demeurent tout de même différentes. Concernant les Côtiers : tout d’abord, le terme n’a pas été inventé par les Malgaches mais par la colonisation française. Ce mot très approximatif - forgé à dessein pour bâtir une vision simpliste de Madagascar à l’usage de la lointaine métropole - ne signifie donc pas “qui habite sur la côte”, mais bien plutôt “qui n’habite pas sur les hauts plateaux”. Les Côtiers qui n’ont jamais vu la mer sont légion !D’autre part, ils ne s’agit pas non plus d’un groupe homogène : seul le terme “côtier” rassemble les Tsimihety, Sakalava, Antandroy, etc. Les affrontements récents à Tamatave entre les Betsimisaraka (“locaux”) et les populations du Sud-est (“immigrés”) - un exemple parmi beaucoup d’autres - sont loin de plaider pour une “union sacrée côtière” qui n’a jamais existé. - Quid de la guerre ethnique ? Qui dit guerre dit rapport de force : si les Côtiers sont plus nombreux que les ethnies merina et betsileo, ces dernières, même prises individuellement, sont plus peuplées que chacune des ethnies côtières (sauf peut-être les Betsimisaraka - région de Tamatave)... Les alliances à nouer - surtout chez les Côtiers - pour faire s’affronter deux camps homogènes sont aujourd’hui inimaginables. Il faut en outre relever que la grave crise actuelle n’a pas déclenché de pogroms anti-Côtiers dans l’Imerina : dans la province de Tana vivent plus de deux millions de Merina et environ 300 000 Côtiers. Un génocide se déroulant généralement du plus fort au plus faible et du plus au moins nombreux, si telle avait dû être la réaction merina, le génocide aurait déjà eu lieu. Un tel événement aurait probablement pour effet immédiat d’unir les Côtiers... Dans les provinces, surtout à Diégo et Tamatave, les pro-Ratsiraka aiguillonnés par les discours haineux de leur leader ont proféré des menaces à l’encontre des Merina. A vrai dire, crise ou pas, cela ne change guère... Par peur et par prudence, beaucoup de ces derniers sont remontés sur les hauts plateaux. Mais là encore, jusqu’à preuve du contraire, on ne peut parler que de crimes et d’exactions isolées. Certainement pas d’extermination de masse. Déclencher une guerre totale sur une base “ethnique” à Madagascar est difficile aujourd’hui à envisager : les tenants d’un conflit de cet ordre vont devoir se donner de la peine pour atteindre leur but. - (1) A rapprocher de la phrase de Lyautey (envoyé par Gallieni, au début du XXe siècle, “pacifier” le Sud malgache) concernant le Maroc : “S’il y a des mœurs et des coutumes à respecter, il y a aussi des haines et des rivalités qu’il faut démêler et utiliser à notre profit, en opposant les unes aux autres, en nous appuyant sur les unes pour mieux vaincre les autres.” - (2) En 1994, lors de son séjour à Madagascar, le député Marcus avait attiré l’attention de Jacques Sylla, alors ministre des Affaires étrangères du président Zafy Albert, sur le fait que Madagascar “n’ait pas un mot pour soutenir l’intervention française au Rwanda”. Le ministre avait fermement répliqué que le silence de son pays s'expliquait par des “interrogations” sur les objectifs de l'opération. - (3) Ratefy (surnom d’un “ethnonationaliste” merina) - 1997 Cf. Valin-kitsika, le livre du réveil merina. - (4) Didier Ratsiraka au chef d’état-major des armées malgaches Ismaël Mounibou, 2002 (plusieurs témoignages à Tananarive). GROS PLAN La dernière bonne blague de la Sakay Il y a des anniversaires douloureux. L’année 2002 date le cinquantenaire des débuts de la Sakay, cette “expédition” réunionnaise sur les hauts plateaux malgaches. 2002 marque aussi les 25 ans du départ des Réunionnais, “pieds-rouges” chassés par Ramanantsoa puis Ratsiraka. Le petit texte qui suit est destiné à leur attention, mais aussi à celles de tous les contribuables français. Aujour-d’hui, la SPA Sakay est toujours privatisable. Ça intéresse quelqu’un ? “Le présent article prévoit également le transport au compte des découverts du Trésor du solde de la liquidation de la Société professionnelle et agricole de Sakay (SPAS), société d’économie mixte, qui avait pour objet de promouvoir les activités agricoles, sur le domaine de Sakay, à Madagascar. En 1977, un accord franco-malgache a prévu la fin des activités de la SPAS. La liquidation de la société a été confiée, par un arrêté du 29 février 1980, au ministère de l’Économie et des finances, qui devait la retracer au compte n°904-14. La direction générale de la comptabilité publique a constaté l’achèvement de la liquidation de la SPAS, puisqu’aucun ayant droit éventuel ne se manifeste plus pour obtenir des dommages et intérêts relatifs à la cession des actifs de la SPAS. Le solde définitif de la liquidation s’établit à un montant négatif de 2,5 millions de francs.” - Article 12 (adopté puis voté sans modifications) du projet de loi portant règlement définitif du budget 1998, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2000. Textes Guilhem Beauquier
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