LA DÉROUTE DES MERCENAIRES

Madagascar Tribune 20.06.2002

« Didier Ratsiraka jette son dernier venin », devait signaler un diplomate occidental, hier soir, devant quelques journalistes. L'affaire de cet avion français Falcon 900 , transportant des mercenaires, en provenance de l'aéroport de Bourget (Paris), bloqué à Dar-es-Salam depuis mardi, a été commentée par divers milieux politiques et diplomatiques. Devant se rendre à Toamasina, cet appareil, le même qui a été affrété pour acheminer Marc Ravalomanana et sa suite (l'amalgame est savamment calculé) vers le Sénégal dans le cadre de "Dakar II", le 8 juin, avait à son bord une douzaine de mercenaires. Plus exactement, des barbouzes. De source informée, ces mercenaires sont tous des « affreux » proches de Bob Denard, connus pour leurs cruautés aux Comores, dont l'assassinat du président Mohamed Abdallah. Ces « Dix salopards », toujours selon notre source, ont été recrutés par Didier Ratsiraka. L'amiral joue, visiblement, son va-tout.

En tout cas, la vraie destination de ces barbouzes est Toamasina. D'ailleurs, paniqué, du fait que le pot aux roses a été découvert, le « Premier ministre » de M. Ratsiraka, Jean-Jacques Rasolondraibe a organisé, dare-dare, hier un conseil des ministres à Toamasina, à l'issue duquel il a indiqué à la presse que « ce Falcon 900 transportait des médicaments… » (sic). Si le gouvernorat de Toamasina devait absolument importer des médicaments, il aurait dû le faire à partir de l'île de La Réunion qui est toute proche.

On croit savoir que l'opération a été préparée dans une résidence chic de Paris, samedi en fin d'après-midi. Une réunion qui s'est poursuivie tard dans la nuit où, selon nos informations, l'on a remarqué un homme d'affaires français, deux personnalités malgaches et trois autres individus. Rappelons que lors du sommet de "Dakar II", l'amiral a eu un long entretien avec le président congolais, Denis Sassou-N'guesso, au cours duquel M. Ratsiraka aurait sollicité des fonds et des armes à son hôte, afin de lutter contre les partisans de Marc Ravalomanana (lire "Tribune" du 11 juin). En tout cas, cette affaire scabreuse, apprend-on, gêne considérablement le gouvernement français. Le Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, selon une correspondance de Paris, « n'est pas du tout d'accord que du territoire français, des mercenaires français pouvaient partir pour attaquer Madagascar ». Et il paraît que les autorités françaises auraient conseillé l'amiral Didier Ratsiraka de ne pas quitter le territoire français. En clair, M. Ratsiraka pourra ne pas participer à la rencontre d'Addis-Abeba.

SIX HÉLICOPTERES DE COMBAT…

D'après un « document confidentiel », une lettre de quelques français à un haut responsable du régime Ravalomanana, cette opération commando a été dirigée par Luc Marquez Riveza, de son vrai nom Malacrino. Ce dernier devait ensuite confier la tâche à Marc Garibaldi, un ancien légionnaire, ex-mercenaire et bras droit de Bob Denard. Ce sont des anciens mercenaires ayant opéré, en 1996, au Congo-Brazaville (et non en RDC). Ce groupe est parti lundi 17 juin à 20 h 25 de Bourget, avec comme destination initiale Hassouan (Egypte) puis Toamasina.

Le nom de ces dix mercenaires sont : Alain Travers, Cyrilles Avines, Guillaume Farfarot, Hervé Pannetier, Michel Lamour, Nicolas Loire, Gérard Fourneret, Philippe Six et Gabriel Petitgérard. La durée de leur action est d'un mois et demi avec un salaire, équivalant à 90.000 francs français chacun. Marquez et Garibaldi, contrairement à ce qui est annoncé, n'étaient pas à bord de ce Falcon 900, mais devaient partir plus tard. Dans leur plan, six hélicoptères de combat étaient prévus d'arriver 72 heures après, à Toamasina. L'objectif principal de ce commando serait d'assassiner le président Marc Ravalomanana, le ministre de la Défense, Jules Mamizara, et le chef d'état-major général de l'armée, Sylvain Razafimandimby.

Bien qu'interdit de vol, le Falcon 900 EX a fait le forcing pour décoller de l'aéroport de Dar-Es- Salam, mardi dans la soirée, à destination de Toamasina. A cause de l'obscurité, il n'a pas pu atterrir à Toamasina. L'appareil s'est alors dirigé vers La Réunion, mais les autorités françaises n'ont pas donné l'autorisation d'atterrir et a été obligé de faire cap sur Dar-Es Salam. A l'heure actuelle, l'avion est retourné à Bourget.