CRIMES,
TORTURES, CHASSES à LHOMME, RACKETS, MENACES...
Le dossier qui accuse Didier RatsirakaClicanoo 17.05.2002 Un dossier accusant le régime Ratsiraka de crimes contre les droits de lHomme a été récemment déposé auprès du Haut commissariat des Nations unies à Genève. Cet épais document, dont le Journal de lIle sest procuré une copie, contient notamment des témoignages effroyables sur des faits qui se sont déroulés depuis le début de lannée dans la Grande Ile. Crimes, tortures, chasses à lhomme, rackets, menaces... Aujourdhui encore, particulièrement dans la région Nord, rien narrête les partisans de lAmiral rouge dans leur lutte pour garder le pouvoir. Le clan Ratsiraka savait depuis longtemps quil avait toutes les chances de perdre lélection présidentielle. Alors, comme à chaque consultation électorale depuis 1996, il a organisé des fraudes massives. Cette fois, cela na pas suffi. Alors, lAmiral a lancé le plan B, celui de léclatement et du dépeçage de la Grande Ile, concocté dans le plus grand secret avec ses partisans les plus irréductibles : ministres, généraux, députés et tous ceux qui lui sont redevables. Ce qui, après un quart de siècle au pouvoir, finit par faire beaucoup de monde, y compris dans la puissante et richissime communauté karane. Ce plan, les prémices en sont évoqués dans une circulaire que le général de division Ismaël Mounibou, chef de létat-major de larmée malagasy (et aujourdhui ministre de la Défense du gouvernement Ratsiraka), a écrit à lattention de ses subordonnés le 4 novembre 2001, soit plus dun mois avant le premier tour de lélection présidentielle : Personnellement, je suis persuadé que le président Didier Ratsiraka est le candidat quil faut pour endosser les responsabilités quimpose le poste. Aussi vais-je agir pour sa réélection, tant au niveau des militaires et de leur famille que de leur entourage (...) Je vous convie à vous engager à mes côtés. Dailleurs, je suis convaincu que cet engagement constitue une des manifestations de notre fidélité à notre chef suprême. Les ordres de conduite seront à votre charge, au niveau des PC avancés. Suite à cette missive, dont le moins que lon puisse dire est quelle ne respecte guère la neutralité qui sied à toute armée dun pays démocratique, quelques jours plus tard, un collectif dofficiers adressait une lettre ouverte au ministre de la Défense Marcel Ranjeva concernant les activités du général Mounibou : (...) Nous nénumérerons que quelques détournements dont nous avons été victimes depuis que vous (ndr : Mounibou) êtes chef détat-major : quavez-vous fait exactement des milliards mis à votre disposition dans le cadre du développement des centres de monitorat agricole, où sont passées les indemnités des militaires en mission ou à la retraite qui ne sont pas payées depuis quatre ans, pourquoi nos soldats sont-ils si mal habillés et si mal nourris alors que les primes dalimentation vous parviennent régulièrement, que sont devenus les millions provenant de la location de la soute à mazout et de la boulangerie dAntsiranana ? Nous sommes sûrs que cette liste est plus longue (...). PREMIER CLASH A AMBOSITRA La DGIDIE (les services secrets malgaches) avait depuis longtemps repris ses bonnes habitudes des années marxistes : surveillance des opposants, intimidations, passages à tabac, coups de fil anonymes, etc. Début décembre, une fonctionnaire malienne du Haut commissariat des Nations unies aux droits de lHomme, Fatou Camara Houel, sétait plainte davoir été filée par les services secrets et la police durant tout son séjour officiel. Son tort ? Avoir révélé que ce pays était en retard sur une quinzaine de réglementations nationales et internationales, notamment en ce qui concerne les droits civiques et politiques. Après le premier tour (16 décembre) et les fêtes de fin dannée, alors que la fraude électorale paraît de plus en plus avérée, une marche organisée le 4 janvier par les partisans de M. Ravalomanana rassemble à Antananarivo, dans le calme; des dizaines de milliers de personnes. Le lendemain, avenue de lIndépendance, ils sont plusieurs centaines de milliers à défiler en faveur de M. Tiko. Ce scénario, Didier Ratsiraka le connaît bien : cest quasiment la copie conforme du mouvement des Forces vives en 1991, qui finira par le renverser deux ans plus tard. Il ne peut envisager cette nouvelle humiliation - qui plus est par un Merina. Alors, en ce 7 janvier, il envoie la troupe nettoyer le centre-ville de Tana : des affrontements opposent manifestants et forces de l'ordre, entraînant la mort d'un bébé, asphyxié par des gaz lacrymogènes. Une vingtaine de personnes sont blessées, dont au moins sept civils et une douzaine de membres des forces de l'ordre. Cette réaction résonne comme un signal : en ce début dannée, les durs du régime qui dominent et exploitent les provinces partagent lanalyse de lAmiral. Il faut frapper vite et fort contre le KMMR (les partisans de Ravalomanana), le terroriser pour lannihiler. Lobjectif sera dautant plus facile à réaliser que lattention internationale est retenue à Tananarive, où les manifestations ne cessent de prendre de lampleur. Selon le dossier déposé auprès de lONU par la députée Mathilde Rabary (présidente de lassociation SOS victimes du non droit). Il semble que les premiers heurts se soient déroulés dès le 12 janvier à Ambositra, sur les hauts plateaux entre Fianarantsoa et Antsirabe. HAINE ETHNIQUE A DIéGO-SUAREZ Le 12 janvier, à la fin du défilé, vers 10h, au moins 5 000 personnes à mon avis sont arrivées au carrefour près du commissariat de police, témoigne Daniel R. Le préfet est venu en voiture pour discuter avec le député Pety Rakotonirainy. Ce dernier lui a demandé encore une fois la permission de pouvoir se réunir à Antamponi Vinany (ndr : le lieu le plus élevé de la ville, traditionnellement dévolu aux kabary). Le préfet na pas donné son accord et a quitté les lieux (...) Sur la route qui mène à Antamponi Vinany, il y avait trois barrages. Au premier, il y avait plus de dix policiers et gendarmes armés de bâtons. Le deuxième était semblable. Au troisième, il y avait douze soldats armés avec fusils et boucliers. La foule a franchi les deux premiers barrages sans encombres, alors les soldats sont descendus et les gens ont commencé à leur jeter des pierres. Un soldat a tiré en lair et ils ont jeté cinq grenades lacrymogènes. Les gens ont continué à jeter des pierres. Des soldats ont été blessés par les pierres et dautres personnes ont été blessées aussi, dont un homme, organiste de léglise de Manarintsoa, qui a eu la jambe cassée. Ce témoignage est confirmé - à quelques détails près - par le Dr R., qui a soigné quatre blessés. Vers la fin janvier, une autre région commence à connaître la peur : celle de Diégo-Suarez, Nosy Be et SAVA (Sambava, Antalaha, Vohémar, Andapa). Deux militaires vont y faire régner la terreur : les lieutenants-colonels Coutiti et Rahitso. Le premier est officiellement conseiller de sécurité du gouverneur dAntsiranana Gara Jean-Robert. Ces hommes doivent tout à Ratsiraka; entre 1991 et 1993, ils ont commis de nombreux crimes de sang et actes de torture à lencontre des partisans des Forces vives, avant de finir sous les verrous. Lors de son retour au pouvoir en 1996, lAmiral les a graciés puis promus en grade... Pour eux, qui sont détestés par la population malgache, il ny a pas dautre choix que le jusquau-boutisme. A Nosy Be, le terrain a été bien préparé. Le sénateur Ampy Portos - un proche de Ratsiraka - a martelé sur les ondes que désormais, les Merina et ceux qui viennent des hauts plateaux seront les cibles de mes partisans et quils seront en danger de mort. La radio dun certain Bouboul (un Karane) propage les mêmes messages de haine ethnique. Quand Coutiti et ses soldats du 2e RFI (Régiment des forces dintervention) débarquent, ils lancent la chasse à lhomme. Joseph Yoland, conseiller provincial (pro Ravalomanana), raconte : Le 20 janvier, nous cherchions un terrain pour notre meeting. Le préfet nous a renvoyé chez le gouverneur Jean-Gara Robert, qui nous a proposé un terrain en émettant quelques réserves sur loccupation de la voie publique. Il nous a donné son accord de principe en nous renvoyant chez le préfet, qui nous a refusé le terrain. Le 1er février, retour à Nosy-Be pour un meeting. Arrivée au port dAnkifify : présence de Coutiti, armé dun pistolet, et dautres militaires avec des Kalachnikov. Je laborde, ils mencerclent (...) Coutiti me pointe du doigt, lindex gauche sur le front, minterdisant daller à Nosy Be, ce à quoi je lui ai répondu que cette interdiction était contraire à la loi, ainsi quà mon statut délu et de fils de Nosy Be. Coutiti me menace dune riposte si je ne respecte pas sa volonté. Ce même jour, le lieutenant-colonel met en garde un autre opposant, Sileny Atom : Tu quittes lîle où je tabats !, profère lofficier en braquant un revolver sur la tempe de son interlocuteur. Le lendemain, Asollant Coutiti va encore plus loin. Récit dun témoin oculaire, Alexis Mandafatra, ancien député de Nosy Be : Nous avons été invités le 2 février au bureau de la sous-préfecture de Nosy Be devant le sous-préfet, le procureur de la République, le chef descadron, le commissaire de police et les 1er et 2e adjoints du sous-préfet pour négocier la restitution et la remise en place du matériel de Radio FM 91 (ndr : que Coutiti avait saisi deux jours auparavant). Alors que nous étions en fin de réunion, en conversation téléphonique avec le gouverneur de Diégo Jean-Robert Gara pour un consensus final, un groupe dhommes armés et en tenues de combat, commandé par Coutiti, a fait brutalement irruption dans la salle en demandant Mandafatra Alexis. Nayant pas de réponse, ils sen sont pris sans hésitation à Yves Dzaozora (...) Quand ce dernier est tombé à terre, il a encore reçu des coups de rangers et des coups de crosse (...) Georges Dzaozara a été rattrapé dans sa tentative de fuite et brutalisé. Il a été admis à lhôpital avec divers traumatisme, dont un crânien (...) Devant la férocité de lagression (...) et devant labsence de réaction de la gendarmerie et de la police présentes sur les lieux (une quinzaine environ), nous avons décidé de partir en trombe (...) Les membres de lOMC (ndr : les officiels qui participaient à la réunion) nous ont prévenu avec insistance quil nétait pas question pour nous de nous montrer en ville sous peine délimination physique (...) Coutiti et ses hommes sen sont ensuite pris à ma résidence quils ont saccagée et pillée, ainsi quau personnel de maison dont trois sur quatre ont été hospitalisés dans un état grave. Un autre témoignage, anonyme et recueilli à Tananarive, précise certains points : lors de lirruption de Coutiti pendant la réunion, le sous-préfet lui aurait fait remarquer quil navait pas le droit de démanteler la radio car cest lui qui détenait lautorité à Nosy Be. Le lieutenant-colonel aurait alors giflé le sous-préfet. Par ailleurs, une des quatre personnes blessées lors de lattaque de la maison de M. Mandafatra serait morte à lhôpital. Enfin, toujours selon ce témoignage, Coutiti emploierait de la drogue chaque jour en commençant le matin. CHASSE A LHOMME DÉGLISE Placés sur une liste noire rédigée en partie par le sénateur Portos et M. Bouboul (témoignage précédent), les responsables du KMMR local sévanouissent alors dans la nature pour se protéger. Ils ne seront pas les seuls car non contents de terroriser les responsables politiques pro Ravalomanana, les ratsirakistes sen prennent également aux hommes et aux femmes dÉglise partout dans lîle. A Tuléar, selon plusieurs témoignages - dont ceux de deux étrangers -, Jonah Ramidisaon a bien failli perdre la vie le 18 février lorsquun Kotavo (association de jeunes pro Ratsiraka) est entré à son domicile armé dun machette. Le jeune homme accusait le pasteur davoir insulté le sénateur Arema Robert Razaka. Le Kotavo sest finalement calmé, mais peu après, le sénateur en personne est venu chez M. Ramidisaon accompagné dun colonel de gendarmerie et dune vingtaine de ses hommes. Là encore, lhomme déglise a réussi à sexpliquer. Robert Razaka est revenu à la charge un peu plus tard avec quelques jeunes armés de machette. Ils ont arrêté le pasteur dans le but de le séquestrer, mais le commissaire de police est intervenu et la placé sous sa protection. Sa famille sest réfugiée chez des paroissiens sûrs. Beaucoup plus au Nord, Alisoa R. raconte dans son témoignage que deux hommes déglise (catholiques) de Miandrivazo ont été capturés le 23 février à Morarano par le procureur et le commandant de gendarmerie. Après quelques jours de prison et une intervention des fidèles de Miandrizavo, lun des deux a été libéré. Lautre, un étranger, est resté en prison. Mme R. affirme aussi que deux jours auparavant, en passant par Antsirabe pour se rendre à un culte, des miliciens armés lont empêchée de passer à un barrage car le député Arema dAntsirabe Ratoebolamanana avait donné lordre de lappréhender. La peur ne règne pas quen province. A Tananarive, Fanja R., dAtsimondrano, raconte ce qui lui est arrivé en cette fin février: Comme ma paroisse est la plus proche du palais dIavoloha (ndr : le palais présidentiel de Ratsiraka), on ma sollicité plus dune fois pour participer au culte à la radio nationale (ndr : proche du régime). On pensait donc que jétais partisan de Ratsiraka jusquau 11 février, où lon ma invité à célébrer un culte place du 13-Mai. Jy suis allé car cest le devoir dun pasteur que de porter la bonne parole, mais cest pour cette raison que le camp de Ratsiraka a commencé à me regarder comme un traître. Le 24, donc, dans la matinée, quatre militaires de la Garde présidentielle rôdait dans le village à bord dune Mazda rouge immatriculée 5895 TAB (une voiture du palais) en demandant où jhabitais. Tout le monde était inquiet car au cours de la semaine, on avait appris le kidnapping dun certain nombre de gens considérés comme traîtres. Pendant ce temps, je dirigeai le culte au temple avec mon mari. Nous sommes partis juste après pour le 13-Mai. Les militaires se dirigeaient vers le temple et cest un miracle si nous ne nous sommes pas croisés (...) Le village, chrétiens ou non, catholiques ou protestant, sest organisé pour nous protéger (...) La première nuit a été une nuit de terreur : deux coups de feu ont retenti, mais ce nétait quune intimidation. LES CRIMES DE COUTITI Dans le Nord, la psychose samplifie. De retour à Nosy Be début mars, le sinistre Coutiti fait encore parler de lui. Le 1er mars, vers 0h30/1h, Célestin Tianjara, dit Potsy, a reçu trois coups de poignard de la part de Coutiti dans un établissement de nuit, le Vieux port. Vers 3h, lui et ses hommes ont pénétré au domicile dOlivier Ratsimba, directeur de la BTM, sous le prétexte de procéder à une perquisition pour chercher des armes. Cagoulés, ils ont tout saccagé avant demmener le directeur dans sa voiture. Vers 3h30, cette fois-ci à visage découvert, il sont allés chez le directeur de la TVF, Lalason Rajaobelina. Son épouse a reconnu Coutiti. Après avoir frappé, torturé et laissé pour morts les deux hommes, ils les ont abandonnés du côté dAndilana avec la voiture. Ayant appris le rapatriement de la dépouille du directeur de la BTM et lévacuation sanitaire du directeur de la TVF, jai pris lavion pour Tana. Coutiti a quitté Nosy Be pour Diégo le 3 mars. Quelques jours plus tard, il y est revenu avec un lance-roquettes, raconte Joseph Yoland. En fait, le lieutenant-colonel et sa petite troupe délite rayonnent dans toute la région. Selon un témoignage anonyme recueilli auprès dune jeune femme dAmbanja, Coutiti est arrivé le 4 mars dans cette ville dans le but de kidnapper un cadre dune société qui avait déjà quitté la ville. Ils sont ensuite semé des tracts adressés nominativement à lintention de quelques habitants non originaires de la région et qui occupent des postes importants (...) Ces tracts, qui les prévenaient de leur arrestation imminente étaient déposés à leur domicile où à leur bureau. Dès réception, ils ont quitté la ville le plus rapidement possible. GENOUX PELÉS AU PIMENT Dautres récits font état de crimes commis dans cette région Diégo/Nosy Be, sans que lon puisse formellement les attribuer à Coutiti et ses hommes. Dans la nuit du 8 au 9 mars, à 2h, deux Betsileo membres du KMMR, Tor et Naina, ont eu la gorge tranchée à Diégo-Ville. Ils étaient membres de ma famille, je ne sais pas qui les a tués. Jai alors décidé de partir pour préserver ma vie. (Témoignage de Jacob R., dAnivorano-Aravatra, à 75 km au sud de Diégo) Les horreurs nont pas cessé depuis. Témoignage de Joseph Yoland : Le 20 avril, un responsable du KMMR a été arrêté et kidnappé par les pro Ratsiraka à Nosy Be. Selon son fils, il a été emmené à lhôtel Marlin Club puis transféré à Diégo. Durant ce mois de mars, sur la côte nord-est, dans la région de la SAVA, cest lalter ego de Coutiti, le lieutenant-colonel Rahitso et ses hommes du 2e RFI qui font régner la terreur, aidés en cela par les miliciens payés par la députée Mme Soaline. Les partisans du KMMR et les hommes dÉglise y sont également pourchassés. Plusieurs témoignages font aussi état dactes de torture à lencontre de paysans. Sous le prétexte de vol de vanille (la SAVA en est la principale région de production), les miliciens leur pèleraient les genoux puis les forceraient à sagenouiller sur des piments. Durant le court séjour de Didier Ratsiraka à Antalaha (le 15 mars), accompagné du sénateur Portos, du gouverneur de Diégo Gara Jean-Robert et du lieutenant-colonel Rahitso avec une quinzaine de soldats du 2e RFI, les objectifs ont été définis. Au passage, dans cette ville, les 2e RFI ont emprunté deux Land Rover de lONU. Trois jours plus tard, à Sambava, la station Radio Soleil est détruite, le fils du propriétaire - un étudiant dune quinzaine dannées - est frappé par Rahitso lui-même, à coups de crosse, de poing et de pied sur la tête, le corps et la figure. À demi-nu sur le goudron brûlant Selon le même témoin, M. R. commence alors la traque des partisans de Ravalomanana et des hommes dÉglise : Le 21 mars, à 11h, les militaires ont attrapé Jao Jacquelin (ndr : maire adjoint de Sambava) à Bazaribe (Sambava centre), devant le Nouvel Hôtel. Ils lont amené à la salle de conférence de la sous-préfecture. (...) Le lendemain, à 14h, ils ont amené Jao Jacquelin au terrain daviation. Des gens ont vu les choses suivantes et me les ont racontées. Ils lui ont enlevé ses habits et lont fait souffrir en mangeant des morceaux de mangue et déponge. Deux militaires lont accompagné dans lavion Sonavam (compagnie privée appartenant au fils de Ratsiraka, Xavier, et seule autorisée dans le ciel des régions Nord et Est). Mme Soaline était à laéroport avec son mari accompagnés de deux Land Rover. Le même témoin poursuit : Le 23 mars, militaires et milices sont allés chercher le receveur des Douanes (...). Ce dernier a également témoigné - le 5 avril dernier - une fois réfugié à Tananarive : Les milices sont venues à Sambava vers le début février. Sur les trente militaires qui dorment et mangent chez Mme Soaline, seulement une dizaine sont de vrais militaires en activité; les autres sont des jeunes payés recrutés journalièrement (...) Les militaires et les autres sont venus de Diégo. Le fils du député Soaline, appelé Kaf, les a transportés par des camions loués et le 4x4 du député. Le député a réquisitionné deux Land Rover du projet Padane, financé par les Nations unies. A ma connaissance, le directeur du projet nétait pas daccord, mais le député Soaline les aurait pris de force. Ces Land Rover sont utilisés pour le déplacement des milices dans la ville et les environs à la recherche des leaders KMMR et KMSB et aussi pour terroriser la population dans tous les fokontany (ndr : les quartiers). Ces milices passaient au marché pour voler des sacs de riz et du pain car Mme Soaline ne recevait plus daide des opérateurs économiques car elle ne payait plus ses factures. Ils ont aussi volé des bijoux en or aux femmes de la ville. Toutes les familles merina qui ont essayé de fuir Sambava par la route ont été forcées de rebrousser chemin au niveau des barrages par les milices. Au départ, la liste noire ne comprenait que neuf personnes : le pasteur Daudet, le receveur des Douanes, le maire Marcellin, le député Pascal, le directeur de Tiko, le médecin-chef de lhôpital luthérien (parce quil a soigné et des certificats médicaux aux blessés de la manifestation du 7 février), le directeur de la Caisse dépargne (Merina mais pas KMMR), lex directeur de la STAR (Merina), le directeur de la société Vanille de Madagascar (Merina mais pas KMMR). (...) Vers la deuxième semaine du mois de mars, il y a eu une deuxième liste cette fois-ci avec environ trente personnes. Ont été ajoutés tous les leaders KMMR et KMSB. (...) Puis ils ont pu arrêter deux leaders KMMR et KMSB, M. Jojo (le 18 mars) et M. Jacquelin (le 20 mars). M. Jojo a été torturé et relâché par la suite. Je le sais car quand sa famille est allée le prendre au commissariat de police, il est sorti avec la figure totalement déformée. (...) Dans la nuit du 18 mars, les milices ont tiré sur un civil dans le quartier dAntanifotsy en pensant que cétait Jacquelin. Le monsieur a reçu deux balles, une dans la cuisse et lautre dans le cou. Il est mort à lhôpital. (...) DES MORCEAUX DÉPONGE A MANGER Le receveur des Douanes revient ensuite sur ce qui sest passé à laéroport : Jacquelin a été torturé sur la piste de laéroport devant les yeux de tous les passagers attendant lavion dAir Mad pour Tana et celui de la Sonavam pour Diégo. Ma femme et ma fille étaient sur le vol de Tana. Elles ont vu que les militaires ont fait coucher Jacquelin à demi-nu sur le goudron très chaud. On le tabassait à coups de crosse, on lui donnait des coups de pied sur tout son corps et on lui faisait manger du piment et des morceaux déponge. Le 23 mars, (...), sept miliciens sont venus frapper à ma porte. Un jeune était à la maison. On la torturé à coups de crosse et fait manger (...) une poignée de piments frais pour lui faire dire où jétais. Le receveur a alors pris la fuite et réussi à rejoindre la capitale le 27 mars. Durant cette période, la cruauté des soldats du 2e RFI et des miliciens de la députée Soaline ne connaît plus de bornes. Sils ne parviennent pas à débusquer les hommes placés sur leur liste, ils partent en brousse sattaquer à des membres de leur famille. Réfugié à Tana, le maire de Sambava Marcellin Ianonjafy a délivré le 8 avril le témoignage suivant : Le lundi de Pâques (1er avril), vers 6h, les milices et les éléments du 2e RFI sont venus à Antsambaharo, commune rurale de la région où ma famille réside depuis 1930. Ils ont attrapé M. Dé, un garçon de 20 ans environ, fils dun de mes cousins (...) En cours de route pour rejoindre Sambava, ils ont tabassé et torturé M. Dé jusquà ce quil sévanouisse, daprès quelquun qui ma téléphoné le même jour vers 14h. (...) Ce témoin a remarqué quils avaient enlevé la peau des genoux et des coudes de M. Dé. (...) Jusquà son évacuation sur Diégo le 6 avril, il na reçu aucun soin. (...) Lors de lembarquement, un de mes cousins a pu remarquer que M. Dé était en train de perdre la vie. Et daprès une information par téléphone en provenance de Diégo, il serait mort à son arrivée. Le récit du maire se termine par une note dironie cruelle : A Sambava, le nombre des maisons cambriolées augmente chaque jour. (...) Lorsque lon porte plainte au commissariat de police, ce dernier répond quils ne sont plus responsables et quil faut porter plainte auprès de la Dame Soaline, élue sous létiquette Arema. Un autre témoignage, recueilli anonymement en langue anglaise, confirme point par point ce récit. Comme on la vu, dans la SAVA comme dans dautres régions, la traque ne se limite pas aux politiques : les hommes dÉglise et leurs familles sont également dans le collimateur des sbires de Ratsiraka. - Témoignage du révérend R. (Antanifotsy-Sambava) : Le 9 avril, jai reçu une lettre anonyme en forme dultimatum menjoignant de faire revenir à Sambava le président du synode régional, le révérend Robert Raharison avant le 15 avril. Ce dernier, qui figurait sur la liste rouge des hommes recherchés par lArema, avait quitté la région à la mi-janvier. Si je ne mexécutais pas, moi-même ou un membre de ma famille pourrait en subir les conséquences et avoir affaire aux milices de la députée Soaline ou aux soldats du 2e RFI, groupe délite mené par le lieutenant-colonel Rahitso. (...) Depuis le 26 mars, date à laquelle le sénateur de Nosy-Be Ampy Augustin Portos, Rahitso et le 2e RFI étaient montés venus de Nosy Be pour les arrêter, plusieurs religieux FKJM de la région dAndapa (100 km de Sambava) ont fui et se sont réfugiés dans la forêt : Elia H. (Andapa), Jules R. (Ambodimanga), Lala R. (Belampona) (...) Ce qui mérite dêtre relevé, cest que H. était jusqualors connu pour être un partisan du multimilliardaire pro-Ratsiraka Solo Dollar, mais il a accepté de largent de Ravalomanana pour organiser le synode régional en 2001. Il a ensuite accueilli son généreux donateur durant ce synode. Son successeur en chaire à Andapa, Armandine N., a ensuite fait un sermon dénonçant le terrorisme des pro-Ratsiraka : un sénateur présent à loffice la accusée dêtre complice du pasteur. Craignant pour sa vie, elle a dû également senfuir le 3 avril. Le 21 avril, un fidèle paroissien du pasteur Rakotoarimanana a été arrêté à Sambava, grièvement blessé puis envoyé à Diégo-Suarez. - Témoignage anonyme : Le 19 avril, Jonathan Odilon Vénor, dit Véné Jonath, a été arrêté à Sambava vers 8h devant le salon de coiffure Fafanja. Les miliciens de Mme Soaline lont frappé avec leurs fusils et forcé à monter dans leur voiture. Daprès Mme Vévé, il a été transféré à Diégo dans un avion de la Sonavam (ndr : compagnie aérienne privée appartenant au fils de Didier Ratsiraka, Xavier) le 20 avril vers 9h20. Elle dit que son mari était grièvement blessé car il ne pouvait plus marcher : elle la vu de ses propres yeux lors de lembarquement. Actuellement, il est à Diégo, dans le camp de la gendarmerie. - Témoignage dArmand R. (journaliste à Tananarive) : Je viens de recevoir un coup de téléphone dAntalaha. Mon correspondant ma livré ces récits illustrant létat de psychose et de terreur où vit la population sous la coupe de la députée Soaline et du lieutenant-colonel Rahitso : - Le 17 avril à 2h, dans le village de Befotatra, une douzaine de soldats sont venus arrêter le pasteur Victorien R. à son domicile. Lui et sa femme étaient à une veillée funèbre. Par mesure de sécurité, ils avaient enfermé leurs quatre enfants et confié la clef à un paroissien. Ce dernier est venu les chercher lorsquil a vu les soldats frapper à la porte demandant au pasteur de se montrer. Heureusement, les enfants sont restés silencieux et les soldats sont partis pour aller arrêter Emmanuel Ndremisaina, membre de la section des jeunes de la paroisse. Daprès les voisins qui ont assisté à la scène, ils lont battu à mort. Le pasteur R. et sa famille ont quitté Befotatra à laube pour se cacher. Dautres témoignages figurent dans le dossier remis à lONU. Ils racontent le même genre datrocités, survenus dans dautres endroits : Vatomandry, Port-Bergé, Tamatave, etc. Outre lONU, des organisations non gouvernementales qui se préoccupent des droits de lHomme - comme Amnesty international - ont ce dossier entre les mains. Bénédicte Goderiaux, en charge de lAfrique de lEst pour Amnesty, a répondu ainsi à un e-mail de la députée Mathilde Rabary : Je vous conseille de continuer à informer le Haut commissariat de lONU aux droits de lHomme à travers les rapporteurs spéciaux thématiques qui soccupent par exemple de cas de torture ou darrestations arbitraires. (...) Ils évoquent les cas qui leur ont été rapportés avec les gouvernements concernés et demandent quaction et justice soient rendues. Cétait le 19 avril... Pour préserver leur sécurité, le nom de certaines personnes nest pas publié. Ils figurent tous sur les documents originaux.. Texte Guilhem Beauquier Les sigles - TIM : Tiako i Madagasikara
(Jaime Madagascar). Cest le nom de lassociation qui
a présenté M. Ravalomanana à la présidentielle
du 16 décembre.
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