Air Madagascar : La moitié de la dette effacée

Clicanoo 16.11.2002

La majorité des créanciers d’Air Madagascar a accepté de passer par pertes et profits la moitié des 47 millions de dollars de dettes accumulés par la compagnie. Parmi ceux qui présentaient une ardoise conséquente, on trouve Air France et Total. La France ayant beaucoup à se faire pardonner, nul doute que ces deux entreprises nationales ont du subir de discrètes pressions pour s’asseoir sur une partie de leurs créances.

Lorsque les créanciers d’Air Madagascar ont franchi jeudi matin les portes de la salle de conférence de l’hôtel Hilton d’Antananarivo, les dés étaient jetés. Le directeur général allemand de la compagnie nationale malgache, Klaus Oschlies, ne leur laissait pas vraiment le choix. L’alternative était simple. Ou les porteurs d’ardoises acceptaient de s’asseoir sur la moitié des 47 millions de dollars de dettes, avec un espoir d’être réglés à relativement brève échéance, ou ils s’accrochaient à leurs créances acculant Air Madagascar au dépôt de bilan et perdaient tout.

Jeudi matin, ils étaient 139 créanciers présents dans la capitale malgache, soit 45% d’entre eux, mais représentant à eux seuls 93,4% des dettes d’Air Madagascar.

Paris a joué le mauvais cheval

Bien qu’assis côte à côte, tous n’étaient pas dans la même situation. Il y a ceux qui ont négocié séparément parmi lesquels le constructeur américain Boeing et le loueur d’avion GEGAS, à qui Air Madagascar louait un B. 767 à 715 000 dollars par mois. Et puis il y a les sociétés françaises Air France et Total qui, l’une et l’autre, comptent parmi les plus importants créanciers de la compagnie nationale malgache.

Air France et Total partagent un autre privilège, celui de compter dans les rangs de leurs actionnaires l’Etat français. Ce dernier a beaucoup à se faire pardonner dans la Grande Ile. Il a misé jusqu’au bout et même un peu plus loin, trop diront les mauvaises langues, sur le mauvais cheval, Ratsiraka. Les Malgaches ne l’ont pas oublié. Ainsi, pour ne prendre que l’exemple d’Air Madagascar, lorsqu’il s’est agi de désigner un consultant pour remettre de l’ordre dans la compagnie, c’est Lufthansa Consulting que l’on est allé chercher alors qu’Air France est actionnaire d’Air Madagascar à hauteur de 3,48%. Résultat, c’est un Allemand qui préside aujourd’hui aux destinées de la compagnie.

Il y a fort à parier que le gouvernement français a discrètement encouragé Air France et Total à effacer tout ou partie de leurs ardoises.

Officiellement, 88 des créanciers présents on entériné le plan de règlement amiable présenté par la direction d’Air Madagascar. Vingt-cinq ont voté contre, 31 se sont abstenus et cinq bulletins blancs ou nuls ont été comptabilisés.

La messe est dite. Les 88 créanciers ayant voté oui représentent 88,76% des dettes. La moitié des 47 millions de dollars est donc effacée d’un trait de plume.

Avant la fin de l’année, Air Madagascar devra rembourser 11,7 millions de dollars. Le gouvernement de la Grande Ile a d’ores et déjà annoncé qu’il mettrait au pot 10 millions de dollars. La compagnie devra trouver la différence et a trois ans devant elle pour acquitter le solde.

Ce dénouement qui remet en selle Air Madagascar est une victoire personnelle pour Klaus Oschlies. Beau joueur, le directeur allemand de la compagnie nationale malgache s’est attaché à faire passer la pilule somme toute amère auprès des créanciers. “Nous les remercions. Sans leur présence, cette conférence n’aurait pas eu lieu, indique-t-il dans les colonnes de Midi Madagasikara. Le futur d’Air Madagascar est envisageable avec optimisme”.

Contrôle financier renforcé

Klaus Oschlies a déjà tourné la page. A partir de la semaine prochaine, il ouvre le chantier de reconstruction de la compagnie. C’est ainsi que seront instaurés un système de comptabilisation des recettes afin de s’assurer que l’argent provenant de la vente des billets entre bien dans les caisses d’Air Madagascar et un contrôle financier. Seront également nommés des directeurs de département. Enfin, le directeur général a écarté la menace de suppression d’emplois.